Born to be alive
Je ne m'appelle pas Aphrodite par hasard...
J'ai ce nom bien prétentieux, celui qui m'a donné toute ma dimension en ce monde qui m'a procuré mon statut d'Humain sur cette terre.
Je ne suis pas la Déesse de l'Amour à la beauté universelle du temps où les Dieux régnaient encore, mieux que ne le feront jamais nos Dieux Economie, Profit et Argent...
Je ne suis pas celle-là, non, pas exactement, mais je suis un hymne à l'amour, un grand cri du coeur dans un monde pas du tout prêt à m'accueillir, mais dans lequel je me suis imposée, avec la soif d'exister, portée par la volonté de deux êtres de croire que les Dieux n'avait pas à se mêler des histoires des Hommes...
Et chez les Dieux, ce qui ne convient pas se paye cher...
Mise à l'abri des regards accusateurs et protégée dans une bulle qui effaçait toute trace de mon existence, c'est en spectateur que j'ai assisté aux Foudres s'abattant sur le Petit Bout du monde d'où je viens...
J'ai vu les hommes se déchirer entre eux, s'enorgueillir de victoire les uns sur les autres, venir de différentes cultures et ne pas accepter celle des autres, vouloir imposer la leur à d'autres qui ne comprenaient pas leur code...
J'ai assisté sans voix à une purge ethnique, comme on en voit encore et comme jamais nos enfants ne devraient être les témoins, dans mon canapé à 1000€, devant ma télévision à 1000€, mon frigo rempli de denrées, moi et les miens bien au chaud. Ma seule arme à moi, c'était les larmes...
Je n'entendais rien aux enjeux de ce Petit Bout du monde, mais j'ai eu en moi cette haine irréfléchie des Serbes, qui fait abstraction de toute forme de raisonnement, de relativisme, moi, qui suis par ailleurs si ouverte et tolérante à la différence, qui n'ai jamais ressenti une once de racisme où d'anti-quoi-que-ce-soit de sérieux, je me retrouvais bouillante de rage, prête à décrocher les Armes pour repousser l'ennemi, brandissant le flambeau d'un pays qui n'existe pas devant un adversaire qui domine depuis des milliers d'années.
J'aurais voulu ouvrir ma maison et appeler cette nation forte et orgeuilleuse à venir se reposer chez moi, au calme, à l'abri des tirs, des bombes et des viols, qu'ils se reposent sur moi et qu'Arès se débrouille pour mener à bien sa mission tout seul. La guerre c'est son domaine, pas le nôtre...
Mais c'était faire fi des ambitions et des attaches de ce peuple si prompt à affronter la douleur pour qu'on lui rende son territoire, ses terres, ses valeurs...
J'ai versé tant de larmes, mais je n'ai rien fait. Je suis restée là, impuissante, cachant ces larmes que personne ici ne pouvaient comprendre, devant ce peuple dont le sang coule dans mes veines et qui coulait maintenant à terre, inondant le pays tout entier...
J'ai perdu en rêve des milliers de fois un proche, une mère, un père, une grand-mère, un frère, un oncle... J'ai souffert de voir mon peuple martyrisé, souffrir mille et une torture sans comprendre un traître mot de ce qu'ils disaient, mais l'essence même de leur force n'avait pas besoin de traducteur pour arriver jusqu'à moi...
J'ai mené en rêve cent batailles, et j'aurais voulu qu'il en soit ainsi, que ce ne soit qu'un mauvais rêve...
Aujourd'hui, je me fiche éperdument de savoir si économiquement ils s'en sortiront, si politiquement, une si jeune nation aura les épaules assez solide pour insuffler un air démocratique, si les conflits d'intérêts sauront être réglés autrement qu'en faisant appel aux Grandes Puissances de ce monde... Le Kosovo est toujours debout, toisant la Serbie de son air d'indépendance...
Aujourd'hui, je peux surtout dire que je suis née non pas en Yougoslavie, ni en ex-Yougoslavie, ni en Albanie, encore moins en Serbie, mais au Kosovo, un pays qui existe... Et j'en suis fière...